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Le 26 septembre 2019, la seconde soirée de l’encadrement du cycle consacré au management par le bien-être s’est tenue à l’ENPJJ. Une conférence à retrouver en vidéo.
[Vidéo] Retour sur la 2ème soirée de l’encadrement sur le bien-être en management
Le 26 septembre 2019, la seconde soirée de l’encadrement du cycle consacré au management par le bien-être s’est tenue à l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse. Une conférence à retrouver en vidéo.
Le jeudi 26 septembre 2019, le site central (Roubaix – Hauts-de-France) de l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) a accueilli la seconde soirée de son cycle de conférences consacré en 2019 au thème du management par le bien-être. La conférence, donnée par Stéphanie CARPENTIER, a rassemblé près d’une quarantaine de participants d’institutions partenaires diverses.
>> Une conférence à retrouver en vidéo <<
Stéphanie CARPENTIER, docteure en management des ressources humaines, a démarré son intervention par quelques éléments de repère sur son parcours professionnel, articulé autour de trois activités principales : l’enseignement supérieur, la recherche et le conseil. Son intervention s’est essentiellement centrée sur la thématique de la force de caractère et de ses vertus pour le bien-être du manager favorisant ainsi un management par le bien-être.
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Bien-être et performance, une concurrence ?
Après avoir rappelé le contexte dans lequel évoluent les managers publics aujourd’hui, celui d’une succession sans cesse accélérée de réformes, Stéphanie CARPENTIER a indiqué que la grande difficulté est en réalité de s’approprier ces réformes. Cette difficulté se retrouve également dans le domaine privé, comme en témoigne un sondage de l’IFOP paru en 2018 dans lequel une majorité de cadres se déclarent « presque à bout » et s’interrogent sur le fondement de leur action en termes de bien-être et de sens.
« Faut-il finalement privilégier le bien-être, la performance ? Est-ce en concurrence ? », questionne Stéphanie CARPENTIER. Le problème est que les directives soumises aux cadres publics aujourd’hui soulèvent la nécessité de privilégier à la fois bien-être et performance. Cela peut, à terme, engendrer des décisions jugées parfois absurdes. « Ces injonctions paradoxales entrainent souvent des dissonances cognitives », précise la docteure. « Il n’est pas inopportun de penser que cela puisse aboutir à des questions de loyauté, d’identité professionnelle, … ». Concilier deux thématiques antinomiques trop régulièrement peut générer des contradictions parfois trop fortes à gérer et aboutir à une remise en cause de soi, voire à s’interroger sur ses propres convictions et valeurs et parfois même sur son identité professionnelle. Chacun est en effet avant tout formé à son propre métier avant de se former au management. « Dois-je dire si ça me pose problème ou pas ? À mes équipes, à moi-même ? Dois-je parler de moi ? Des difficultés que je rencontre à concilier bien-être et performance ? » Les accidents de la vie (type burn-out, dépression, cancer) ne font que renforcer cette remise en question.
Pourtant, la littérature en matière de management invite depuis quelques années les cadres publics à devenir des leaders par le sens en repensant leurs pratiques managériales et en développant de nouvelles compétences à cet effet. Concilier performance, bien-être et management par le bien-être peut engendrer de violents dilemmes moraux et plus particulièrement dans les métiers que l’on fait par vocation (la justice, la santé, le social, …), où s’insinuent plus pernicieusement des questionnements en termes de déloyauté vis-à-vis de l’institution. Au-delà de son propre état, un cadre devra également gérer le stress de ses collaborateurs, de son institution. « En clair, quitte à devoir l’absorber », met en garde Stéphanie CARPENTIER. « Concrètement, ça risque de vous consumer de l’intérieur ». Les managers s’interrogent. Untel n’est pas un surhomme, une autre n’est pas Wonder Woman. Mais que doivent-ils être ? Là, se pose la question de la force de caractère.
La force de caractère
Culte de l’excellence et dépassement de soi sont les leitmotivs de la société accentués par l’omniprésence des technologies. Que faire lorsque l’on n’est plus au meilleur de sa forme ? Ne rien dire ? S’autoriser à décrocher un peu pour revenir au mieux ? Stéphanie CARPENTIER mentionne sa thèse réalisée en 2004 sur l’impact des nouvelles technologies sur le management des commerciaux Business to Business (B2B). Des technologies considérées dans un premier temps comme un véritable support à la performance mais très rapidement devenues envahissantes. « Comment fait-on quand on est hyper connectés et sollicités par les gens et les technologies, pour avoir cette capacité à garder cette possibilité de prendre soin de soi, de ne pas tout dire, de ne pas trop s'exposer ? », interroge Stéphanie CARPENTIER. Comment traduire cela dans les pratiques managériales ?
En matière de force de caractère, elle s’est appuyée sur les travaux de Christopher PETERSON, professeur en psychologie à l’université du Michigan, qui la décompose en 6 catégories (composées elles-mêmes de 24 éléments) ; les catégories d’une force de caractère qui pourront trouver des applications managériales.
La sagesse et le savoir :
Cette première catégorie se divise en 5 éléments :
- Une curiosité et un intérêt pour le monde, afin de générer de la créativité.
- Un amour d’apprendre. Difficile à entretenir – les journées bien chargées étant propices à la procrastination en matière d’autoformation – mais indéniablement utile en termes de management par la suite, notamment dans la perspective d’une conduite du changement, où il faudra alors apprendre à apprendre (et à désapprendre).
- Un jugement, un sens critique (au sens noble du terme, dans l’idée d’une opinion argumentée), une ouverture d’esprit (aux idées des autres essentiellement, dans la perspective d’une discussion un tant soit peu élaborée) ; des capacités récemment remises au cœur de l’actualité avec la prolifération des fake news.
- De l’ingéniosité, de l’originalité et de l’intelligence pratique, que l’on peut mettre en évidence avec la notion d’agilité, c’est-à-dire la capacité d’apprendre et de désapprendre.
- De la clairvoyance, du recul et la capacité à mettre en perspective. Pour cela, pas de secret, il faut savoir prendre le temps de prendre le temps.
Le courage :
Le courage comprend :
- La valeur et la bravoure. « Être courageux ça ne veut pas dire ne pas avoir peur, ça veut dire pouvoir avoir peur et dépasser ses peurs », précise Stéphanie CARPENTIER.
- La persévérance (ne pas se remettre en cause à la première difficulté), l’assiduité et la diligence (ou l’art de répondre dans un temps raisonnable). « Prendre un peu le temps de la réflexion n'est jamais préjudiciable, » dans une société où tout est sans cesse accéléré.
- L’intégrité, l’authenticité et la sincérité. Une question mise en avant dans les théories de leadership actuelles. La docteure invite à dire vraiment les choses, à reconnaitre quand on s'est trompé (« ce fameux droit à l'erreur qu'on a tendance à oublier »), même si ce n’est pas évident. Être juste, parler vrai, avoir l’humilité de reconnaître ses erreurs pour incarner une forme de leadership spirituel.
- L’enthousiasme. Un enthousiasme qui transparaîtra plus facilement si un manager est en cohérence avec lui-même face à des injonctions au bonheur parfois lourdes à porter.
L’humanité et l’amour :
Cette troisième catégorie comporte :
- L’amour et l’attachement, ou plus communément, la bienveillance, qui peut être altruiste (sans contrepartie attendue) ou mutuelle (des bénéfices mutuels sont attendus).
- La gentillesse et la générosité. Stéphanie CARPENTIER mentionne la création en septembre 2019 d’un institut de la gentillesse en Californie, ainsi que la journée de la gentillesse en entreprise en novembre. L’idée serait que l’amour entraine de la générosité qui pourra rejaillir sur ses collaborateurs.
- L’intelligence sociale, intellectuelle, émotionnelle et spirituelle. Se maîtriser, policer les choses à dire, s’excuser, comprendre les émotions et répondre à la quête de sens (des autres et de soi) en sont les témoins. « Cette notion d'humanité, cette traduction du respect (des autres, de soi) c'est un des éléments de la force de caractère », précise Stéphanie CARPENTIER.
La justice :
Elle se traduit par :
- L’esprit d’équipe, le sens du devoir, la loyauté. C’est l’idée d’être en accord avec ce que l’on pense, ce que l’on doit faire, ce que l’on demande de faire, mais aussi avec les valeurs de l’organisation et les siennes.
- L’équité, l’impartialité. Privilégier l’égalité ou l’équité n’est pas chose aisée à mettre en pratique. L’impartialité est difficile à incarner, d’où l’importance de savoir s’excuser, dans la mesure où la partialité peut véritablement être déstabilisante.
- Le sens du commandement : leadership. « Si vous manquez d'impartialité et d'équité, cela va grandement remettre en question l'influence – la capacité à changer le comportement ou l’attitude d’une personne – que vous avez sur les autres », précise Stéphanie CARPENTIER. Initialement fondé sur la peur, le leadership a évolué au fil des décennies, pour passer de transactionnel à transformationnel pour devenir spirituel (avec la mise en exergue de la quête de sens).
La modération :
C’est-à-dire :
- Le pardon. Loin de toute perspective religieuse, Stéphanie CARPENTIER exhorte les participants à savoir pardonner (ce qui ne veut pas dire oublier) et à ne pas avoir peur des conflits. En effet, l’absence de pardon, autrement dit de droit à l’erreur peut entrainer des non-dits, qui dérivent en conflit larvé qui peut lui-même dégénérer en relation toxique au travail. « Quand il y a un conflit, c’est comme dans un couple », explique-t-elle. « Quand on se dispute, on se parle encore. Rien de pire qu’en arriver au stade où on ne se parle plus ».
- L’humilité et la modestie. Reconnaître ses propres faiblesses et erreurs, faire preuve d’humilité (qui n’est pas l’humiliation), renvoie à une forme de modestie. L’humilité au travail, en vogue dans les théories actuelles de management et chez certains grands dirigeants (« Je suis comme vous »), peut prendre 3 formes : vers les aînés et les dignitaires, vers ceux qui réussissent et celle dite de circonstance (laisser faire ceux qui savent faire mieux que soi pour accomplir une tâche précise).
- La prudence, la discrétion et la précaution : avec modération ; sans audace, pas de gloire.
- La maîtrise de soi et l’autorégulation, des dimensions de l’intelligence émotionnelle.
La transcendance :
Qu’est-ce que la transcendance ? « Reconnaître que quelque part il y a quelque chose qui vous dépasse, qui dépasse vos perceptions et votre entendement. Cela ne renvoie donc pas forcément au divin », précise Stéphanie CARPENTIER. Il arrive que la dépression, la maladie, le burn-out, puissent générer une descente aux enfers contre laquelle il faut se battre, jusqu’à finalement parvenir à se rendre compte de la beauté des choses simples. « Les choses les plus essentielles sont souvent celles auxquelles on a accès en permanence sans y accorder de l’importance », précise la docteure. Le conscientiser, réussir à faire preuve de gratitude et d’espérance, aident à vivre au quotidien.
« Cette transcendance, c’est reconnaître simplement que vous avez une quête de sens au travail ou tout court ». Cette notion de sens recouvre trois domaines :
- La direction (où l’on va), le pilotage.
- La signification.
- Les sensations.
Cette quête de sens renvoie, au-delà du management, à des notions de philosophie, de spiritualité, voire de religiosité. Un manager doit se positionner par rapport à cette matrice. Le burn-out, c’est ne plus ressentir et au-delà l’impossibilité d’accéder dans et par le travail à une production de sens.
Cette dernière catégorie regroupe ainsi :
- L’appréciation de la beauté et de l’excellence. Le prix de l’excellence a laissé place au goût de l’excellence.
- La gratitude. Un manager n’est rien sans son équipe et réciproquement ; une relation d’interdépendance se noue.
- L’espérance, l’optimisme et l’orientation vers le futur.
- La joie et l’humour (qui est source de résilience).
- La spiritualité, la recherche du sens de la vie, la foi, la religiosité. Il s’agit là encore de leadership spirituel.
De nombreux auteurs ont réfléchi à cette question de quête de sens au travail, mais pas seulement.
Faiblesses et forces
Une fatigue spirituelle
D’autres auteurs ont développé des théories sur la souffrance au travail au prisme du leadership spirituel et notamment à travers la notion de brown-out. Elle est liée à la perte de sens et à la fatigue spirituelle : le manager ne trouve plus sens à ce qu’il fait ou sait que ça ne sert à rien, ou renonce à lui donner du sens et exécute mécaniquement les choses, jusqu’à la crise (dépression, burn-out, …). Stéphanie CARPENTIER invite les participants à s’inquiéter de cette question de sens au travail.
Le toxic handler
Le manager peut rencontrer de grandes difficultés à concilier son propre bien-être et celui des autres. Il peut toutefois s’appuyer sur la figure du toxic handler (érigée par FROST et ROBINSON en 1999). « Un générateur de bienveillance ou catalyseur de souffrance », explique Stéphanie CARPENTIER ; une personne ressource qui pourra procurer des marges de manœuvre. « Peu nombreux, souvent de façon inconsciente, ils parviennent à canaliser la souffrance de leurs collègues, générée par des comportements toxiques au travail », explique la docteure. Ils sont notamment reconnaissables à leur empathie, leur écoute sans jugement, leur capacité à prendre du recul et à garder des secrets, leur capacité à donner des conseils, à faire voir les choses autrement et à savoir faire passer des messages difficiles à entendre.
Gilles TENEAU (de l’université de Nantes), en distingue trois types :
- Les porteurs de confiance, qui seront prêts à aider tant que ça ne les met pas en danger.
- Les porteurs de souffrance, souvent présents dans le domaine de la santé, très empathiques, voire trop (la souffrance finira par se manifester chez eux, comme une éponge absorbante).
- Les porteurs de compassion ; des alliés très précieux, bien au fait de leurs défauts, travers, valeurs, qui savent jusqu’où aller et quand. Ils ont intériorisé toutes les vertus précédemment évoquées.
À l’issue de son intervention, Stéphanie CARPENTIER s’est livrée à un échange avec les participants sous la forme de questions / réponses. Il a notamment été question :
- De ces fameuses postures managériales liées aux 6 catégories de la force de caractère. Stéphanie CARPENTIER a précisé qu’intérioriser ces concepts pour les faire siens demander un très gros travail sur soi-même ;
- Des tendances actuelles de sophrologie, massage, autohypnose ; une façon de se reconcentrer sur soi-même. « Nous avons tendance à oublier que nous sommes corps, esprit, intellect », rappelle Stéphanie CARPENTIER. Il ne faut pas en favoriser un au détriment de l’autre. Ces moments de déconnexion peuvent permettre de se reconnecter à soi-même.
- De l’intériorisation ou non de ces postures, avec l’idée de jouer un rôle. « Il est très facile de jouer des rôles et la société nous y incite », reconnaît Stéphanie CARPENTIER. Elle rappelle qu’Erwin GOFFMAN défendait lui-même cette idée de rôles que chacun joue. Mais à trop jouer, on finit par se perdre, s’épuiser. La dissonance entre ce que l’on est vraiment et ce que l’on fait peut générer des messages contradictoires, sources de souffrances.
- De la capacité d’introspection, notamment avec le cas de suicides inattendus ou d’accidents de la vie au sein de l’entreprise.
La soirée s’est achevée sur les thématiques d’humanité et d’amour dans le management des hommes, portées par des figures telles que l’amiral Olivier LAJOUX et le général Pierre DE VILLIERS.
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La dernière soirée de l’encadrement se tiendra le mercredi 11 décembre 2019 à l’institut régional d’administration de Bastia et portera sur la résilience organisationnelle, une conférence précisément confiée à Gilles TENEAU.