[Vidéo] La 2nde ruche pédagogique de l’ENPJJ rallume les étoiles

La ruche pédagogique a restitué ses travaux le mercredi 3 juillet 2019. Une journée à (re)découvrir en vidéo.

[Vidéo] La 2nde ruche pédagogique de l’ENPJJ rallume les étoiles

La ruche pédagogique a restitué ses travaux le mercredi 3 juillet 2019. Pour la deuxième année consécutive, les stagiaires et professionnels de l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse auront collectivement investi ce nouvel espace de réflexion et de transmission de savoirs et de pratiques professionnelles. Une journée à (re)découvrir en vidéo.

Une seconde édition pour la ruche pédagogique

Le mercredi 3 Juillet 2019, le site central (Roubaix – Hauts-de-France) de l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) a une fois de plus vibré au rythme de la ruche pédagogique. Initiée au cours de l’année scolaire 2017-2018, la ruche pédagogique est une modalité pédagogique rassemblant les stagiaires – éducateurs et directeurs des services – et les professionnels de l’ENPJJ. Cet espace d’éveil permet d’aborder collectivement sous des angles nouveaux ou originaux des grandes questions professionnelles d’aujourd’hui et de demain utiles à la communauté éducative de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Elle se compose initialement de quatre alvéoles, le Laboratoire des Pratiques Professionnelles (LPP), la Maison des Figures Inspirantes (MFI), l’Observatoire du Monde qui Vient (OMV), et, créée cette année, La Controverse de Roubaix.

Une seconde édition à retrouver en vidéo

 

« Votre mission sera d’augmenter d’autres que vous »

Cette seconde édition s’est ouverte sur une prestation à la cornemuse à couper le souffle, accompagnée d’un air de guitare. Au sein de l’amphithéâtre, c’est la voix de Michel SERRES, grand philosophe disparu cette année, qui donne le la, à travers la notion d’autorité et son étymologie (augeo, es, ere : augmenter). « Il n’y a rien de naturel à aller chez les gens, à s’occuper de leurs enfants, à imposer des décisions à d’autres que vous, à contraindre la liberté d’autrui », a rappelé Frédéric PHAURE, directeur général adjoint de l’ENPJJ au cours de l’allocution d’ouverture. « Vous ferez autorité car votre mission sera d’augmenter d’autres que vous ». Il a invité les stagiaires, futurs éducateurs et directeurs des services de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), à devenir eux-mêmes des figures inspirantes pour ces « adolescents cabossés par l’existence qui n’ont pas eu l’occasion d’être beaucoup augmentés eux-mêmes dans leur parcours ». Cette approche de l’autorité sera le fil conducteur de cette journée où les travaux présentés permettront d’augmenter collectivement l’assemblée des professionnels et stagiaires rassemblés ; d’augmenter la connaissance qu’ils ont les uns des autres, les connaissances de tous et bien sûr, la place que chacun doit prendre dans l’institution.

C’est pas si simple

Un premier groupe du Laboratoire des Pratiques Professionnelles a choisi de réfléchir sur la communication et l’humour au travail et de restituer sa production sous format vidéo. « Sur les lieux de stage, nous avons recueilli des observations de situation entre professionnels et jeunes, entre professionnels et familles et entre professionnels, lors d’entretiens, de visites à domicile, de réunions éducatives ou de temps informels », explique Marie-Cécile GRUGEARD-PIERRE, stagiaire éducatrice. « Nous avons fait le choix de présenter les projets en caricaturant les personnages pour mettre en évidence certains traits ». Complété par des entretiens réalisés auprès de professionnels et de recherches pour comprendre et théoriser les observations effectuées, leur travail prend la forme d’une parodie de l’émission C’est pas sorcier, rebaptisée C’est pas si simple pour l’occasion.

J’sais pas quoi écrire m’dame !

La vidéo est à l’honneur lors de la deuxième présentation où 3 stagiaires ont choisi de travailler, en lien avec le centre éducatif fermé (CEF) de Liévin (Hauts-de-France), sur la relation éducative par l’écriture et le graph’. Fatiha KHRIBECH, stagiaire éducatrice et ancienne élève de la classe préparatoire intégrée (CPI) de l’ENPJJ, n’en est pas à son premier essai. « J’ai pu constater ce que cela peut apporter aux jeunes », explique-t-elle.

« C’est offrir un coin repéré pour repenser le rapport à l’acte, formaliser leurs souffrances, leur vécu. Pour l’éducateur, cela renforce la relation éducative et ça offre un levier éducatif sur lequel s’appuyer ». « On voit comment faire autorité et augmenter », renchérit Saïd BELGANA, stagiaire directeur, « à travers l’histoire, le récit, les émotions ». Émue, Mélanie LAJOUX l’est lors qu’elle affirme retenir « un échange sincère et complice avec les jeunes », qui sous un tonnerre d’applaudissements font leur apparition sur scène, accompagnés de leur équipe éducative, à l’issue de la projection.

Music&cologie

Vianney THOUVENIN, stagiaire éducatrice, a présenté un projet orienté autour de la musique comme média de sensibilisation aux enjeux environnementaux, en lien avec la Société de protection et de réinsertion du Nord (SPReNe). Après avoir dressé un constat général sur l’activité humaine et ses effets majeurs sur l’environnement, Vianney est revenue sur les actions mises en œuvre au sein de la PJJ en la matière.

« En tant qu'éducateur de la PJJ, on se rend compte qu'on est là pour éduquer, sensibiliser, accompagner les jeunes qui sont pris en charge. L'écocitoyenneté fait partie de nos devoirs de citoyens. Il est important de sensibiliser les jeunes car les citoyens de demain, ce sont eux ».Elle a ensuite expliqué le travail qu’elle a effectué en lien avec l’association Autour des Rythmes Actuels (ARA) et qui s’est articulé autour d’une lutherie sauvage – la création, par le recyclage, d’instruments de musique – de percussions urbaines et d’une sensibilisation à une alimentation plus responsable. « Pourquoi en musique ? Ça permet plus facilement d'embarquer les jeunes, les motiver, les mobiliser », explique-t-elle. « La musique est un moyen formidable de sensibiliser les jeunes et de les mobiliser pour qu'ils soient investis ». La restitution a également pris la forme d’une vidéo qui retrace le projet.

Inspirez… Jouez !

Ils sont ensuite plusieurs sur scène à incarner la Maison des Figures Inspirantes. Tout au long de l’année, ils auront réfléchi à ce qu’est l’inspiration et à des modalités de valorisation, de partage et de restitution. « Ce qui est inspirant, ce ne sont pas les figures inspirantes en elles-mêmes, mais la façon dont ça nous inspire », précise Marine TILLOY, stagiaire éducatrice. Toutes ces réflexions ont abouti à la création d’un jeu, l’Inspirathon (Le marathon de l’inspiration !).  « L’idée, c’est l’inspiration ; des moments de respiration, de ressources tout au long de cette formation », explique Émilie GOOSSENS, stagiaire directrice. « Le marathon car la vie professionnelle est un marathon ». Le principe repose sur celui du jeu Timeline. Il s’agit, à tour de rôle, de placer convenablement des cartes sur une ligne temporelle. Sur ces cartes défilent des personnalités historiques ou fictives, ainsi que des œuvres ou encore des activités, toutes inspirantes, influentes, à l’origine d’un souffle créateur. Le choix des figures (inspirantes à titre personnel pour les membres de l’alvéole), les règles du jeu et la création des cartes auront été à l’initiative des membres de l’alvéole.  « Extensif, évolutif et économique », cet « outil pédagogique, de cohésion, de création », peut ainsi tout à fait faire l’objet d’un projet pédagogique à mener avec les jeunes.

La nuit, virtuelle ou réelle ?

Sarah ZEGHOUDI, Synclaire NGIEMA et Nasrine BELACEL, stagiaires éducateurs, ont ensuite présenté leur travail autour de la nuit (en foyer) et plus précisément concernant les notions des angoisses, des addictions et de l’alimentation. « La nuit active des angoisses chez pas mal de jeunes, » explique Sarah, car la nuit est le seul moment où ces jeunes se retrouvent seuls face à eux-mêmes. Il est toujours difficile, pour eux comme pour les professionnels, de s’exprimer sur ce sujet intime. Installer des automatismes dans le quotidien de ces jeunes permettrait de construire une certaine quiétude pour la nuit. Cela peut notamment passer par la mise en place de rituels, comme le simple fait de prendre une tisane : favoriser les temps de convivialité, d’échanges, et envisager à terme de délivrer les jeunes de leurs addictions au téléphone. Synclaire s’est intéressé à la place des addictions (produits psychoactifs, objets multimédias, alimentation,…) au cours de la nuit. « Les addictions ont un impact sur la relation éducative que l'on peut avoir avec les jeunes que nous suivons », rappelle Synclaire. « L'idée c'est de nous approprier cette réalité qui évolue ».  Nasrine a conclu ces propos sur la nuit en revenant sur l’alimentation, à travers la mise en place au sein de structures de collations en s’interrogeant sur les bienfaits de cette ritualisation, les impacts de sa suppression ou encore les parallèles à faire en matière de violence. La mise en scène des travaux menés par ces stagiaires est consultable sur la plateforme de formation en ligne de l’École.

Dialogue sur la justice prédictive

En matière de restitution, l’Observatoire du monde qui vient a proposé d’imaginer, sous forme théâtrale, l’audience devant le juge d’une jeune prise en charge, en 2029. Les apprentis comédiens sont au diapason pour livrer une prestation dans la droite ligne de la série Black Mirror, où la technologie réinvente les relations, les processus et les fonctions. Une représentation éclairée par l’intervention d’Antoine GARAPON, magistrat et secrétaire de l’Institut des hautes études sur la justice autour de 4 points :

  • Une dissociation de la fonction et du cadre. La fonction est ce qu’on réalise, le cadre est une instance de coordination pour pouvoir agir. Or, on constate un abandon du cadre, voire du territoire, au profit de la fonction. Antoine GARAPON illustre son propos en mentionnant, outre les lynchages qui se multiplient sur les réseaux sociaux, le récent projet de Facebook de créer sa monnaie virtuelle et de créer une cour suprême. « C'est la prétention du numérique à organiser la coexistence humaine en se passant des formes », explique Antoine GARAPON.
  • Un remplacement du symbolique par la technique. « Il n’y a pas de cyberespace, pas d’espace numérique, il y a une modification de notre espace-temps par le numérique ». Une modification qui pourrait se traduire par un renforcement du contrôle et un affaiblissement des représentations de chacun.
  • Une ritualisation mise à mal. La justice est en effet une ritualisation du temps, de l’espace, des sujets, des corps. Avec le numérique, l’audience n’est plus une rencontre. Or, la présence de l’autre inhibe. À l’inverse, son absence désinhibe totalement (cf. les déferlements de violence sur les réseaux sociaux). « La technique accomplit les désirs secrets d’une société depuis toujours », rappelle Antoine GARAPON. « Le désir, là, c’est que la technique nous permette de nous éviter ».
  • La subjectivation. Le numérique affecte tout, y compris le rapport à soi et le rapport aux autres. Paul RICOEUR distingue l’identité idem (génétique) de l’identité fidèle à soi, sur laquelle porte le travail éducatif. Celle-ci pourrait être réduite à l’avenir à quelque chose de biologique et de mesurable. L’une des dérives potentielles serait de voir le jugement évoluer vers une sorte de scoring déterminé par des algorithmes. « Il y a disparition du jugement de valeur au bénéfice d’un calcul ».

En guise de conclusion, Antoine GARAPON a livré des pistes de réflexion sur le travail éducatif : ne pas résumer la prise en charge à l’échappatoire d’un enfermement déterminé de façon algorithmique, trouver la vérité d’un jeune et « reconstituer, recréer des cadres qui soient structurants et qui permettent de symboliser la vie collective ».

Rallumer les étoiles avec la Controverse de Roubaix

Enfin, la quatrième – et nouvelle – alvéole s’est livrée à la controverse au cours de l’après-midi. L’un après l’autre ou l’un contre l’autre lors de joutes verbales, un groupe de stagiaires s’est essayé à la joute oratoire et à la rhétorique, en débattant notamment sur les questions de genre, sur la  différence, sur les enfants ou sur les relations sociales.

« Ceux qui se sont produits n’ont pas brillé, ils ont rayonné », a déclaré Frédéric PHAURE au terme de la journée. « Merci d’avoir rallumé les étoiles ». Il  a tenu à saluer la qualité du travail mené tout au long de cette aventure et a invité les participants à continuer à être inspirés par ce qu’ils auront créé, montré, vu ou entendu ce 3 juillet, au cours de leur futur exercice professionnel. « Aujourd’hui, le chemin, vous êtes dessus. Vous vous laissez guider bien sûr, vous vous guidez vous-mêmes, mais surtout, vous avez choisi de l’éclairer vous-mêmes », a précisé le directeur général adjoint. « Je ne vais pas conclure, car en réalité, entre nous ce n’est que le début ».

Le dispositif sera renouvelé pour une troisième saison.