Séminaire de recherche 2022 - Séance 1

La 1ère séance du séminaire de recherche de l'ENPJJ, accessible en présentiel (Roubaix) et en streaming, se tiendra le mardi 1er février 2022 de 14 heures à 16 heures.

Séminaire de recherche 2022 - Séance 1

La « radicalisation » : individualisation et dépolitisation d’une notion

La 1ère séance du séminaire de recherche pludisciplinaire de l'École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) se tiendra le mardi 1er février 2022 de 14 heures à 16 heures.

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L'intervention de Caroline Guibet Lafaye (Directrice de recherche au CNRS (Lisst – Université Jean Jaurès, Toulouse), Agrégée et docteure en philosophie de l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne), portera sur le thème : La « radicalisation » : individualisation et dépolitisation d’une notion.

La discutante sera Jessica Filippi, chercheure en criminologie à l’ENPJJ et chercheure associée à l’Université Libre de Bruxelles au Centre de recherches pénalité, sécurité et déviances (CRPSD).

Inscriptions, gratuites, à effectuer à l’adresse recherche.enpjj-roubaix(at)justice.fr jusqu’au lundi 31 janvier 2022.

Sauf indication contraire liée au contexte de crise sanitaire, la séance se tiendra au site central (16, rue du Curoir – 59100 ROUBAIX) de l’ENPJJ. Elle sera également accessible en streaming.

 

La deuxième séance, intitulée "Entre recherches empiriques et études cliniques du phénomène de radicalisation à l’adolescence : approche psychologique et psychiatrique", se tiendra le mardi 15 mars 2022.

Argumentaire général du séminaire

La « radicalisation » est un sujet présent et incontournable dans l’actualité politique de notre pays depuis près d’une décennie. Concept mobilisé par les institutions de la justice et de la sécurité, il est aussi l’objet de nombreuses contributions et controverses dans le domaine de la recherche en sciences sociales.

Pour Farhad Khosrokhavar, la radicalisation est « un processus par lequel un individu ou un groupe adopte une forme violente d’action, directement liée à une idéologie extrémiste à contenu politique, social ou religieux qui conteste l’ordre établi sur le plan politique, social ou culturel » (2014). La recherche préfère aborder la notion de « radicalisations » au pluriel pour dissocier le rapport entre la radicalisation et les religions et souligner la diversité des « formes de radicalités » démontrant ainsi l’existence d’autres processus de radicalisations qu’ils soient politiques et/ou sociaux. En ce sens pour Galland et Muxel, « la radicalité suppose un ensemble d’attitudes ou d’actes marquant une volonté de rupture avec le système politique, social et culturel, et plus largement avec les normes et les mœurs en vigueur dans la société » (2018). La radicalité est alors un concept qui dépasse celui de la violence, « même si elle l’englobe » (Dufour, Hayes, Ollitrault, 2012). Elle « suppose une posture de contestation profonde […] et autorise la transgression, jusqu’à l’ultime recours à la violence et sa justification » (Galland, Muxel, 2018).

L’émergence en France des recherches liées à la « radicalisation » a connu une production exponentielle lorsqu’elle est devenue un sujet majeur sur la scène politique (Dufour et al., 2012, Chantraine et al., 2018 ; Donnet, 2020 ; Clément, Sèze, 2021). Ces dernières années, l’attribution de financements de recherches dédiées à ce phénomène, la création de postes de chercheurs fléchés « radicalisation » ont eu des répercussions sur la production des savoirs.

La multiplication des études et des définitions sur le phénomène conduit à mobiliser des approches variées du fait d’ancrages disciplinaires différents qui pourtant sont issues d’une même communauté épistémique (Clément, Sèze, 2021). Également, l’approche par une même discipline conduit à des constructions diverses (Marlière, 2020). L’objet est donc complexe. L’exploitation des données tant qualitatives que quantitatives est délicate puisqu’elle est diversifiée et parce que l’accès aux sources d’informations est difficile voire impossible pour certaines périodes historiques (Fuligni et al., 2009) et certains publics (par exemple : les mineurs, les mineurs de retour de zone). Fortement orientée au départ sur l’identification des « profils » de radicalisés, l’approche se tourne progressivement vers une interprétation processuelle de la radicalisation. Quand bien même on observe cette variabilité des recherches, des récurrences sont constatées dans les résultats sur les processus et les trajectoires des publics radicalisés.

Parmi les publics touchés par ce phénomène, les adolescents connaissent dans leur développement psychosocial des périodes transitoires et peuvent être « captés » par ces discours idéologiques en trouvant un sens à leur existence, un idéal de la société. L’adolescence est aussi une période de changement et d’incertitude où les bases et les frontières de leur monde sont interrogées. Les adolescents sont alors en quête de comprendre, de mettre du sens dans ce qu’ils sont et ce qui les entoure. Ils sont aussi en quête d’une identité dans laquelle ils se reconnaissent et sur laquelle ils pourraient s’appuyer pour se sécuriser (Rolling, Corduan, 2017 ; Ludot, Radjack, Moro 2016 ; Dhami, Murray 2016). « L’engagement » devient alors un point de départ, une première réponse à leurs interrogations, à leurs besoins.

Dans les pratiques professionnelles, l’engagement idéologique semble être un critère nécessaire pour appréhender ce phénomène, tant dans les actions de prévention, d’évaluation et d’analyse des situations que dans les prises en charge des publics. Le traitement au pénal ne se suffit pas d’une qualification juridique simple et unique et couvre une multitude de références et de pratiques chez les juges : violence à caractère politique, extrémisme, terrorisme, association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, apologie du terrorisme. Dans les pratiques évaluatives et de prise en charge, les « signaux » ou les « critères » de la « radicalisation », se fondent aussi sur cette forme d’a priori de l’engagement, de l’exclusion, de la rupture avec la société. Les professionnels socio-éducatifs, en alerte sur cette question des « critères », relèvent des difficultés à les caractériser dans le cadre de leurs missions et l’expliquent notamment par la multiplicité des approches, des résultats et des définitions de la recherche.

A travers les travaux et les communications des différent.es chercheur.es intervenant dans ce séminaire, peut-on stabiliser une approche et une compréhension des processus de radicalisation ? Peut-on identifier des controverses ?

Nous verrons comment les différents apports de ce séminaire pluridisciplinaire pourront nourrir les pratiques professionnelles pour accompagner les jeunes en situation de vulnérabilité.