Grand-Est : L’inceste, ce mal des familles

L’université de Lorraine a accueilli près de 400 participants lors d’un colloque sur le thème de l’inceste organisé par l’IRTS et le CRIAVS de Lorraine ainsi que l’ENPJJ.

Grand-Est : L’inceste, ce mal des familles

Retour sur le colloque sur l'inceste

Les 18 et 19 mai 2017, l’université de Lorraine a accueilli près de 400 participants lors d’un colloque sur le thème de l’inceste. Organisées par l’IRTS et le CRIAVS de Lorraine ainsi que l’ENPJJ, ces journées ont été marquées par la transmission de savoirs et le partage de bonnes pratiques.

Les 18 et 19 mai 2017, l'Université de Lorraine a accueilli les 8èmes journées du Centre de Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles (CRIAVS) de Lorraine. Ces journées annuelles interinstitutionnelles portent sur les violences sexuelles. Co-organisées par le pôle territorial de formation (PTF) Grand-Est de l'École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ), le CRIAVS et l'Institut Régional du Travail Social (IRTS) de Lorraine, ces 8èmes journées ont porté sur la thématique de l'inceste. Elles ont rassemblé près de 400 participants. Ce colloque s’inscrivait dans la dynamique partenariale entre les services de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et le CRIAVS de Lorraine. Pendant deux jours, une cinquantaine de psychologues et d’éducateurs de la PJJ, essentiellement de la DIR Grand-Est, ont pu bénéficier d’éclairages théoriques interdisciplinaires et pratiques, émanant de chercheurs et de professionnels d’autres institutions.

Au cours de l’allocution d’ouverture, Catherine PICHENÉ, présidente de la commission médicale d’établissement (CME) au Centre psychothérapique de Nancy (CPN Laxou), a tenu à saluer l’implication des professionnels présents et soucieux de « contribuer à  la transmission du savoir et au partage de pratiques », lors  de ces journées consacrées à « ces drames terriblement destructeurs et trop souvent cachés ». Isabelle RENAUD, directrice du PTF Grand-Est de l’ENPJJ, a quant à elle rappelé l’importance des partenariats noués entre les institutions au regard de ces thématiques nécessitant une approche décloisonnée. « Face à ces situations terribles, qui concernent aussi bien les jeunes que nous prenons en charge que leurs familles, la réflexion sur le sujet de l'inceste traversera encore longtemps nos pratiques. »

Des éclairages théoriques diversifiés

La première journée a été essentiellement marquée par des apports théoriques et pluridisciplinaires. En prenant comme point d’appui le mythe biblique de Loth et de ses filles, Christophe RODERMANN (guide conférencier au Musée des Beaux-Arts de Nancy) démontre, à travers une entrée en matière décalée, que les représentations de l’inceste évoluent au fil des siècles et des mentalités. Il invite les professionnels de la PJJ à ne pas sous-estimer l’apport d’un musée comme support de travail dans la prise en charge éducative.

En prenant comme point d’appui le mythe biblique de Loth et de ses filles, Christophe RODERMANN (guide conférencier au Musée des Beaux-Arts de Nancy) démontre, à travers une entrée en matière décalée, que les représentations de l’inceste évoluent au fil des siècles et des mentalités. Il invite les professionnels de la PJJ à ne pas sous-estimer l’apport d’un musée comme support de travail dans la prise en charge éducative.

Philippe BRENOT (psychiatre et anthropologue, directeur d’enseignement en sexologie et sexualité humaine à l'Université PARIS DESCARTES) oriente l’essentiel de son intervention autour de l’évitement, naturel ou culturel, de l’inceste jusqu’à plaider pour la « reconnaissance de l’inceste en tant que crime contre l’humanité naissante de l’enfant en construction ». Julie LÉONHARD (Maître  de  conférences - droit  privé  et sciences criminelles à l'Université de Lorraine) a ensuite délivré quelques clés de compréhension quant aux aspects juridiques de la notion d’inceste. Mentionné dans le code pénal, l’inceste n’est pas, pour l’heure, considéré comme une infraction. « Les situations incestueuses ne sont toutefois pas ignorées du droit pénal », explique Julie LÉONHARD, en établissant un parallèle avec l’agression et l’atteinte sexuelles ou encore le viol.  Elle a également mentionné le délai de prescription, cheval de bataille des associations, et de ses conséquences pour les victimes. Agnès LEHAIR, juriste au Centre d’information sur les droits des femmes et des familles de la Moselle (CIDFF) précisera le lendemain que les révélations des victimes d’inceste sont souvent tardives, parfois à la limite de la prescription (20 ans à compter de la majorité, en matière de violence sexuelle sur mineur). Les interventions se sont poursuivies au fil de la journée et ont notamment porté sur les modalités de prise en charge des victimes, sur la problématique de la séparation ou encore sur la distinction entre l’inceste et l’incestuel et les conséquences somatiques (sur le corps) de l’inceste. Le débat entre intervenants et participants s’est prolongé lors de la projection d’un film intitulé « Loin de mon père », traitant d’une relation incestueuse entre père et fille.

Quelle prise(s) en charge pour les victimes / auteurs d’inceste ?

Au cours de la seconde journée, des professionnels et praticiens ont tour à tour présenté des modalités de prise en charge diversifiées, à destination des victimes comme des auteurs d’inceste. La maison d’accueil Jean Bru propose ainsi, pour les jeunes filles victimes d’inceste, une prise en charge éducative individualisée qui s’appuie sur la mise à disposition d’un espace privatif et la recherche permanente de l’adhésion de la jeune fille dans la construction du projet.

Au cours de la seconde journée, des professionnels et praticiens ont tour à tour présenté des modalités de prise en charge diversifiées, à destination des victimes comme des auteurs d’inceste.

Les thérapies familiales peuvent également jouer un rôle de révélateur. Elles doivent toutefois compléter la thérapie individuelle pour les victimes et non s’y substituer. Marie-Line GAGNARD (Psychologue clinicienne - SAEMO REALISE Nancy) a réinterrogé la pratique du psychologue en matière d’évaluation à travers l’exemple de l’action éducative en milieu ouvert. En posture évaluatrice (d’une situation), le psychologue doit chercher des informations, choisir des critères, et s’impliquer dans la prise de décision du service. L’enjeu est de faire cesser une situation de mise en danger. Il faut toutefois du temps avant que la parole ne se formalise et que le suivi se mette en place.

En matière d’auteurs, Samuel LEMITRE (Docteur en psychologie, Psychothérapeute, Praticien ICV, Pdt EIDO/SAS) a quant à lui présenté une modalité de prise en charge d’un adolescent auteur de violences sexuelles, à travers l’intégration des cycles de vie. Cette thérapie, qui repose sur deux outils (une ligne de temps et un poupon), peut permettre une amélioration progressive de l’état du sujet en faisant remonter à la surface des souvenirs enfouis. Walter ALBARDIER (Psychiatre – CRIAVS Ile-de-France) s’est ensuite attaché à déconstruire quelques représentations liées à l’inceste et à la pédophilie. L’objectif de la prise en charge, au-delà de la compréhension du passage à l’acte, est de rétablir un environnement sain pour éviter un nouveau dérapage.

Effets traumatiques de l’écoute et de l’empathie chez les professionnels

Enfin, Adeline CHAUFER (psychologue CRIAVS Lorraine, CPN Laxou et SMPR Metz) et Baptise ORIEZ  (infirmier CRIAVS Lorraine et DSAVS au CD de Toul –CPN Laxou) ont conclu le colloque par une réflexion consacrée aux professionnels à travers le traumatisme vicariant. « L’écoute, l’un de nos outils de travail principaux, n’est jamais sans effet sur l’écoutant », explique A. CHAUFER. « A force d’être confronté à du matériel traumatique, cela peut générer du changement peu à peu chez les accompagnants ». Le traumatisme est secondaire : le professionnel n’a pas directement vécu l’expérience traumatique racontée – par la victime comme par l’auteur – mais peut en ressentir les séquelles, tant aux niveaux spirituel que comportemental ou encore relationnel. Il génère de l’usure de compassion. L’expérience professionnelle ne protège pas du traumatisme vicariant, mais elle permet de mettre en place des stratégies de protection. L’hyperactivité, la suppression constante des émotions (liée à l’habitude), l’effet cathartique des pauses, constituent quelques pistes en matière d’autoprotection. En termes de dynamique d'équipe, l'accompagnement et la supervision sont à privilégier.

« Le réseau est de plus en plus important », constate B. ORIEZ à l’issue de la manifestation. « Cela montre que l’on est de moins en moins seul face à ces problématiques. C’est porteur, pour les jeunes que l’on a à prendre en charge ». La dynamique partenariale qui lie les CRIAVS et l’ENPJJ rayonne sur tout le territoire national. La thématique de l’inceste sera par ailleurs au cœur d’une formation organisée par le PTF Grand-Centre (Dijon) en lien avec le CRIAVS de Bourgogne, en septembre 2017. « Ce que j’ai entendu va indéniablement changer mon regard par rapport aux situations que je rencontre », raconte l’une des participantes, psychologue de la PJJ. « La question de l’inceste intéresse tous les professionnels en prise direct avec les familles ». Au-delà des psychologues, « Il est important d’évoquer ce sujet dès l’entrée en formation statutaire pour les éducateurs », explique l’une des formatrices du PTF Grand-Est. Il y a un enjeu sur la prise en charge. »

>> Accéder au compte-rendu plus détaillé <<

Ces mêmes journées, le site central de l’ENPJJ (Roubaix – Hauts de France) accueillait les 2èmes rencontres annuelles de la clinique, à destination des psychologues de la PJJ.

 

Pour aller plus loin :