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Accueil › Le PTF de Dijon fait son cinéma autour de Shéhérazade !Le PTF de Dijon fait son cinéma autour de Shéhérazade !
Près d’une centaine de professionnels de la protection de l’enfance ainsi qu’une vingtaine de mineurs accompagnés par la PJJ étaient présents à la projection du film « Shéhérazade », organisée par l’ENPJJ.
Le PTF de Dijon fait son cinéma autour de Shéhérazade !
Le 20 décembre 2018, près d’une centaine de professionnels de la protection de l’enfance ainsi qu’une vingtaine de mineurs accompagnés par la protection judiciaire de la jeunesse étaient présents à la projection du film « Shéhérazade », organisée par le pôle territorial de formation Grand-Centre de l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse.
Un succès critique
Des débuts prometteurs
Sorti le 5 septembre 2018 en salles, « Shéhérazade » est le premier long métrage de Jean-Bernard MARLIN, réalisateur déjà connu des initiés au travers de « La Fugue », son premier court-métrage, récompensé de l'Ours d'Or au Festival International du Film à Berlin en 2013. On y faisait alors la connaissance de Lakdar, éducateur dans un foyer pour mineurs délinquants à Marseille et de Sabrina, sa jeune protégée, le jour de son jugement au tribunal pour enfants. On y découvrait l’intensité de la relation éducative au cœur d’un duo sous tension. On y comprenait que cette adolescente était confrontée à l’un des premiers grands choix de sa vie : accepter de réparer ses erreurs passées ou fuir, encore et toujours… On y expérimentait à la fois quelque chose de l’ordre de l’attachement fort et du lien de confiance qui ne tient parfois qu’à un fil… au point que des professionnels de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ont investi le DVD comme support pédagogique auprès des mineurs accompagnés au sein des établissements et services.
De jeunes acteurs talentueux
Il n’en fallait pas davantage pour s’intéresser de près à « Shéhérazade » d’autant que le film que rien ne destinait à rencontrer le succès, a, dès sa sortie, bénéficié de l’engouement des exploitants de salles, désireux de le valoriser. En effet, « Shéhérazade » ne pouvait rien miser sur ses acteurs, tous non-professionnels, parfaitement inconnus du grand public, pour remplir les salles ! Ce sont pourtant eux qui crèvent l’écran et révèlent un jeu d’acteur criant de vérité. Ils offrent à la fiction une dimension hyperréaliste, l’inscrivent dans un ton juste et percutant, lui donnent une ampleur inattendue qui entraîne le spectateur dans les tréfonds de Marseille et dans les méandres d’une histoire d’amour à la Roméo et Juliette.
Dylan ROBERT, 18 ans aujourd’hui, repéré alors qu’il était mineur, détenu à l’Établissement pour mineurs (EPM) de Marseille, ne cesse de remercier son éducatrice de l’avoir positionné sur le casting organisé par la production. Il est la tête d’affiche du film et joue Zachary, un adolescent de 17 ans, tout juste sorti de prison. Rejeté par sa mère, il traîne dans les rues de Marseille et y rencontre Shéhérazade… Kenza FORTAS, 17 ans, n’en avait que 16 au moment où elle a été castée.
Son parcours chaotique et sa force de caractère lui ont permis d’incarner une jeune prostituée, rôle déployé avec intensité à l’écran mais plus difficile à assumer au moment de la sortie du film. Idir AZOUGLI, 23 ans, fait partie des acteurs qui ont été extraits de prison durant le tournage et qui dormaient, chaque soir, derrière les barreaux. Devenu Ryad à l’écran, il affirme s’être appuyé sur son expérience de vie pour jouer son rôle. Sa scène magistrale au tribunal au cours de laquelle il affirme avoir oublié la présence des caméras en dit long sur ce qui a ponctué son parcours !
Un film coup de poing
Basé sur un fait divers marseillais, impliquant un mineur, amoureux d’une jeune prostituée dont il est finalement devenu le proxénète, « Shéhérazade » a nécessité des investigations poussées, une immersion dans les quartiers populaires de Marseille, un casting sauvage pour dénicher des écorchés vifs aux parcours institutionnels marqués par les placements et la prison. Capables de livrer des émotions à l’état brut, ils ont toutefois suivi une formation en accéléré pour apprendre à jouer devant une caméra ; des séances d’orthophonie en plus pour Dylan. Tourné dans le respect des codes du documentaire, Shéhérazade a cependant été retravaillé pour gagner en rythme et en intensité.
Le film a reçu le soutien du Ministère de la Justice notamment pour convaincre éducateurs, magistrats, avocats, surveillants de l’administration pénitentiaire de jouer à l’écran le rôle qu’ils campent dans la vie.
Un succès mérité
Shéhérazade a été présenté au cours de la semaine de la critique au Festival de Cannes 2018 où il a été ovationné. Trois prix, dont celui du meilleur film, lui sont revenus, lors de la cérémonie de clôture du festival du film francophone d’Angoulême en août 2018. Shéhérazade a remporté le prix du meilleur film au festival européen du film de Séville en novembre 2018 et est nominé dans la même catégorie dans plusieurs autres festivals internationaux. Dylan ROBERT a remporté le César 2019 de la « révélation masculine ». Kenza FORTAS a remporté le César 2019 de la « révélation féminine » aux César 2019. Elle était nominée en tant que « meilleur espoir » nommée par l’Académie des Lumières. Le réalisateur a remporté le César du « meilleur premier film ».
Une projection spéciale à Dijon
« Pour ce qui est du projet initié par le pôle territorial de formation Grand-Centre [Dijon] quant à organiser une projection spéciale à destination des professionnels de la PJJ, des partenaires institutionnels et des mineurs confiés, tout est parti d’un coup de cœur pour le film et d’un mail adressé à Grégoire DEBAILLY, le producteur du film », explique Audrey MABILAT, formatrice.
Trois mois de travail en lien avec GEKO PRODUCTION et AD VITAM DISTRIBUTION, ont été nécessaires pour monter ce projet, raccordé à l’offre de formation continue « Amour, santé, sexualité ». « Le cinéma DEVOSGE a immédiatement accepté de nous suivre et il a fallu convaincre les professionnels de la PJJ et partenaires institutionnels de l’intérêt du film en leur présentant la démarche adoptée par le réalisateur et le parcours des principaux acteurs », explique Mustapha GRAZEM, directeur du PTF.
Les outils de communication dédiés à cette soirée ont d’ailleurs été construits comme des supports pédagogiques susceptibles d’être présentés par les équipes éducatives à des mineurs confiés afin de les préparer à la projection du film et au débat en présence des principaux acteurs. Plus d’une centaine de personnes étaient réunis pour cet évènementiel le 20 décembre 2018. Parmi elles, la vice-présidente en charge des mineurs au TGI de DIJON et son collègue juge pour enfants, des représentants de l’École de la Gendarmerie, le responsable de la Brigade de prévention de la délinquance juvénile (BPDJ) de l’Yonne, une délégation du Conseil Départemental de Côte d’Or, des partenaires du Secteur Associatif Habilité (SAH). Les professionnels de terrain ont également répondu présent et ont encadré une vingtaine de mineurs confiés au cours de cette soirée.
Les établissements et services de la PJJ étaient représentés par le centre éducatif fermé (CEF) de Châtillon sur Seine, l’unité éducative d’hébergement collectif (UEHC) et l’unité éducative en milieu ouvert (UEMO) de Dijon, ainsi que l’unité éducative d’activités de jour (UEAJ) de Chalon-sur-Saône. L’Institut Départemental de l’Enfance et de la famille s’est fortement mobilisé au travers des personnels de la maison d’enfants à caractère social (MECS) de Châtenoy-le-Royal (71) venus avec huit adolescentes.
Le film a été apprécié pour son réalisme et son intensité. Le débat qui a suivi en présence de Dylan ROBERT et Idir AZOUGLI a fini de convaincre la salle que ces deux-là avaient grandi dans les quartiers difficiles de Marseille mais que « Shéhérazade » leur offrait la possibilité d’envisager l’avenir hors des circuits de la délinquance. À ce titre, le film est un message d’espoir pour tous les mineurs confiés aux établissements et services de la PJJ. Les mineurs présents dans la salle ont bombardé les acteurs de questions en lien avec leurs parcours de vie et leurs projets à venir. La séance de selfies a fini de les ravir !
Les éducateurs stagiaires de la FSE 17/19, affectés au PTF Grand-Centre, ont non seulement assisté à la projection-débat mais ont aussi participé au dîner qui a suivi en présence de l’équipe du PTF et des acteurs. Ce temps privilégié a permis à chacun d’être le témoin du chemin parcouru par Dylan et Idir ; d’être touché par le récit fait d’une vie, aussi courte soit-elle, qui ne leur a pas fait de cadeau, d’être emporté par leur authenticité et leur envie de s’en sortir.
« Shéhérazade » est un possible outil pédagogique à destination des mineurs confiés, qu’il était important de valoriser auprès de professionnels de l’enfance délinquante et de l’enfance en danger. La rencontre avec Dylan et Idir au sortir de nos institutions et les mineurs qui les fréquentent encore a possiblement fait déclic chez ces derniers. Enfin, pari est fait que la profondeur des échanges entre les éducateurs stagiaires et les acteurs dont le jeu est semblable à ce qu’ils sont et ce qu’ils ont vécu, scelle une rencontre qui laissera une trace et contribue à la construction de leur identité professionnelle.
Article rédigé par Audrey MABILAT, formatrice au PTF Grand-Centre / DIJON