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Les villes de Marseille et Toulon ont accueilli un colloque sur le thème de l’attachement.
Compte-rendu du colloque sur le thème de l’attachement
Les villes de Marseille et Toulon ont accueilli un colloque sur le thème de l’attachement. Organisé conjointement par la Protection judiciaire de la jeunesse et le Diplôme Universitaire sur l’attachement et les systèmes familiaux de l’université de Toulon, il s’est tenu du 15 au 17 janvier 2015.
Organisé par la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et le Diplôme universitaire (DU) sur l’attachement et les systèmes familiaux de l’université de Toulon, le colloque a été ouvert par Françoise VACCA, directrice du pôle territorial de formation (PTF) Sud-Est et introduit par Rosemonde DOIGNIES (en vidéo), directrice générale de l’ENPJJ et Michèle GUIDI, directrice interrégionale de la PJJ Sud-Est.
Les participants, deux cent environ, éducateurs, magistrats, enseignants, responsables politiques, policiers, étudiants, formaient un public attentif et participatif. Le colloque était animé par la journaliste Danièle OHAYON, rédactrice du compte-rendu.
Des intervenants de qualité
Premier intervenant, Boris CYRULNIK a invité la salle à réfléchir sur l’acquisition et le développement du sentiment de justice. Une échelle de valeur dont l’enfant s’imprègne dès qu’il accède au langage et qu’il incorpore comme une évidence, en fonction des récits entendus dans la famille et des récits culturels qu’il entend autour de lui, même si ces récits sont des stéréotypes. C’est l’articulation de ces récits qui provoque le sentiment de justice, d’injustice ou de normalité. De son côté, l’enfant maltraité incorpore la maltraitance au point qu’il éprouve peu le sentiment d’injustice.
Vers quatre à six ans, s’il bénéficie d’un sentiment de sécurité suffisant, l’enfant part à la découverte des autres avec curiosité et découvre d’autres valeurs. S’il est insécurisé, il n’a pas les moyens de ce partage. Boris CYRULNIK souligne que la niche sensorielle, où l’enfant construit son image de ce qui est juste, a évolué. Elle échappe à la famille pour revenir au quartier et à internet. D’où l’importance de la vie culturelle dans les quartiers pour apporter aux enfants des occasions de dialogues et de découvertes.
Michel DELAGE, psychiatre et thérapeute familial est responsable pédagogique du DU sur l’attachement et les systèmes familiaux dont Boris Cyrulnik est le directeur d’enseignement. Il a indiqué les symptômes que développe un enfant traumatisé : dissociation, troubles de la régulation des émotions, problèmes relationnels. Donner à cet enfant les moyens de se construire, de réparer la blessure d’attachement, demande un travail éducatif et thérapeutique cohérent s’appuyant sur une stabilité et une continuité de prise en charge. Le système actuel mériterait d’être repensé dans ce sens. Michel Delage préconise un travail de groupe et une attitude individuelle de l’éducateur empreinte de disponibilité, de sensibilité, d’acceptation de l’adolescent ou de l’enfant dans ce qu’il est, pour rendre possible une coopération avec lui et un travail sur son futur.
Chercheur en psychologie à l’ENPJJ, Mael VIRAT a joyeusement mis les pieds dans le plat de ceux qui appellent les enseignants et les éducateurs à laisser leur affect au vestiaire quand ils travaillent avec les jeunes. Il a vérifié, dans la thèse qu’il a soutenue en 2014, en utilisant une méthode quantitative, que cet investissement affectif, qu’il a nommé amour compassionnel, est en corrélation avec la sécurité affective dont les jeunes ont besoin pour se construire.
Richard JOSEFSBERG, directeur de la Maison d’enfants Elie Wiesel au château de Vaucelles dans le Val d’Oise a mené une recherche auprès des anciens résidents de la Maison d’enfants (partis depuis plus de dix ans) afin de voir ce qu’ils étaient devenus. Sur 500 « anciens » retrouvés, 213 ont répondu à un questionnaire, 156 ont accepté une interview orale. Des adultes d’une moyenne d’âge de 37 ans arrivés en placement entre 6 et 12 ans. Beaucoup s’en sont bien sortis, plus que les éducateurs n’auraient pu le croire. 90% ont un emploi, 62% ont des enfants, 80% se déclarent en bonne santé. Le collectif, souligne Richard JOSEFSBERG doit être pris comme une chance. Dans sa deuxième intervention consacrée à internat et séparation, il a dégagé trois éléments fondamentaux pour que la séparation devienne un outil éducatif : un cadre organisé, un tiers témoin (l’éducateur) et un temps d’élaboration (ne pas aller trop vite dans l’interprétation, laisser à l’enfant la possibilité de pouvoir dire ce qu’il souhaite exprimer).
Jean-Pierre POURTOIS, professeur émérite à la faculté de psychologie de Mons-Hainaut en Belgique, directeur du CERIS (Centre de recherche et d’innovation en socio-pédagogie familiale et scolaire) a tracé un chemin possible de la maltraitance à la bientraitance et énoncé les ressources de résilience. Il y a une naissance, mais aussi une renaissance possible, estime Jean-Pierre POURTOIS. En s’adressant à la partie saine de l’individu, en engageant un cheminement avec la personne, on peut permettre la reprise de nouveaux développements après une agonie mentale. Des mécanismes d’émancipation au fond de chaque être humain le poussent à refuser de se laisser détruire. Jean-Pierre POURTOIS prône une « pédagogie de l’étonnement » qui s’appuie sur un questionnement ouvert, pour accompagner la personne dans la mobilisation de ses ressources positives.
Jean-Paul MUGNIER, directeur et fondateur de l’Institut d’études systémiques à Paris, est d’abord intervenu sur les abus sexuels intrafamiliaux. Il a dressé la chronique d’un passage à l’acte redouté, à travers l’histoire d’un couple dont le mari a été abusé enfant et qui n’a jamais pu en parler. Réparé partiellement par l’amour que lui porte sa femme, son équilibre vole en éclats quand elle lui annonce qu’elle est enceinte. A partir de ce moment, il est obsédé par la terreur de faire du mal à son enfant. Jean-Paul MUGNIER a évoqué les différents scénarios possibles qui découlent de cette angoisse profonde, de la résilience au passage à l’acte maltraitant.
En évoquant l’impact à l’adolescence de maltraitances subies pendant l’enfance. Jean-Paul MUGNIER indique que l’enfant maltraité se pose deux questions principales : pourquoi moi ? Est-ce que je le ferai plus tard ? L’enfant croit que s’il a été maltraité, c’est sans doute parce qu’il s’est mal comporté, s’il a subi des violences sexuelles, c’est probablement parce qu’il a des idées dégoutantes. A l’adolescence cette vision pervertie de soi s’amplifie, générant des pulsions agressives ou provoquant la terreur face aux premières émotions sexuelles.
Les participants ont posé de nombreuses questions, après chaque intervention et lors d’une table ronde qui a réuni les six intervenants. Le détail de ces journées très riches en informations et en discussions sera disponible avec la mise en ligne des actes du colloque.